Un trop plein d'émotions a pris possession de moi. D'ordinaire, ça m'arrive souvent. Mais cette fois-ci, c'était différent. Je n'arrivais pas à faire face à tous ces sentiments qui m'envahissaient. Je détestais le simple fait de perdre le contrôle. Heureusement que Phœnix se trouvait être à l'école, sinon le pire aurait pu se produire. Je n'avais pas non plus aller à travailler et c'est peut-être ça qui a tout déclenché. Je déteste me retrouver dans ce genre de situations. Travailler, bouger, c'est ce qui me permet de ne pas trop penser à mes problèmes. Mais lorsque je me retrouve sans rien faire, je peux perdre le contrôle et c'est ce qui était en train de m'arriver. Je ne savais plus quoi faire, je n'arrivais même plus à penser de manière convenable. Désespérée, j'ai décidé de me rendre à la grotte. Cette grotte qui m'aidait à réfléchir, ou tout du moins à reprendre mes esprits. Cette grotte que ma sœur et moi avions l'habitude d'envahir lorsque ça n'allait pas. Mais cette fois-ci, c'était différent puisque ma sœur n'était plus là pour se joindre à moi...
En cours de route, j'ai envoyé un texto à Carrie, ma meilleure amie. D'ordinaire, je détestais devoir compter sur les gens, je détestais devoir parler de mes problèmes. Mais je savais que si je ne l'appelais pas, j'allais finir par exploser. Je lui ai demandé de me rejoindre là-bas. Lui parler me ferait du bien.

La grotte était déserte et c'était tant mieux. Je me suis assise sur le petit rocher que ma sœur avait l'habitude d'emprunter lorsqu'elle était encore de ce monde. Penser à elle me faisait mal mais je ne pouvais pas m'empêcher de l'imaginer à mes côtés, comme au bon vieux temps. J'ai alors attendu là, assise sur le rocher de mon aînée, attendant que ma meilleure amie arrive.
Il ne fallut pas longtemps à Carrie pour arriver. Lorsqu'elle se retrouva près de moi, j'ai pu lire l'inquiétude sur son visage. Je me suis empressée de la rassurer, ne voulant pas qu'elle se mette dans un état pareil à cause de moi. « Ça va Carrie, ne t'inquiète pas, j'avais juste envie de m'isoler un peu. » Ce qui n'était qu'une demi-vérité. Ne voulant pas parler de ce qui n'allait pas, j'ai décidé d'engager la conversation sur autre chose. C'est ça mon problème, lorsque ça ne va pas, je préfère de loin parler de choses insignifiantes ou plutôt qui n'ont aucun rapport avec mon moral présent. C'est pourquoi je me suis empressée de reprendre : « Et toi ça va ? Ça fait un moment qu'on s'est pas vues, j'aime pas ça. »

Je savais que parler avec Carrie m'aiderait à penser à autre chose qu'à mes problèmes. Mais j'étais désolée de l'avoir fait courir si c'était le cas. J'ai pu le voir, elle était essoufflée et elle se tenait comme si elle avait un point de côté. Une grimace parcourut mon visage comme pour m'excuser une seconde fois. Lorsqu'elle me répondit qu'elle n'allait pas bien, je m'en voulus de ne pas l'avoir appelée plus souvent ces derniers temps. Elle m'avoua aussi qu'elle n'aimait pas non plus qu'on ne se voit plus autant qu'avant. Face à tout cela, j'ai gardé cette grimace affreuse qui affublait mon visage et j'ai répondu : « Qu'est-ce qui ne va pas ? » Ce n'est pas que j'étais d'humeur à entendre les gens se plaindre mais avoir que ma meilleure amie ne va pas bien et que je ne sais pas pourquoi me minait. Je voulais savoir et pouvoir la réconforter si besoin était de le faire. Assise sur le rocher de ma soeur, j'ai donc attendu que Carrie me réponde.

Carrie s'efforçait de sourire comme pour me rassurer. Je sentais bien que quelque chose n'allait pas chez elle et elle ne tarda pas à tout m'avouer. Dès le moment où elle eut terminé son discours, mon coeur ne cessa de battre la chamade. Elle était donc enceinte ? Je n'arrivais pas à le croire. mais pire encore, Carrie ne connaissait pas plus que ça le père de l'enfant ! Ça ne ressemblait pas du tout à ma meilleure amie et si c'est ça qu'elle voulait en changeant, je n'approuvais pas du tout. Mais je devais tout d'abord la consoler et j'étais curieuse de savoir qui était le père de son bébé. C'est pourquoi j'ai essayé de prendre un ton rassurant pour lui répondre : «  Ça va aller. » Je l'ai prise dans mes bras sentant bien qu'elle voulait pleurer. « Tu peux pleurer tu sais, c'est pas interdit et je me fiche de savoir que tu as changé ou pas, pleure si tu en as envie. » J'ai pris une longue inspiration avant d'ajouter : « Tu dois te poser les bonnes questions. Est-ce que tu es prête à être mère ? Est-ce que tu veux vraiment ça pour ton enfant ? Est-ce que tu veux qu'il grandisse sans père ou tout du moins sans une mère et un père qui s'aiment vraiment ? Est-ce que tu es prête à passer ton enfant avant le reste du monde ? Toutes ces questions sont essentielles... » Et je savais de quoi je parlais... « Et je serai là pour toi, quoi que tu décides. » Je voulais savoir qui était le père mais comment le lui demander sans paraître trop intrusive ? J'ai pris mon courage à deux mains et j'ai repris : « Et si tu veux parler, je suis là. Tu l'as dit au père, je le connais ? » Bon d'accord, il y avait pire côté intrusion mais quand même... Puis elle tenta de changer de sujet mais je la connaissais trop bien pour me laisser avoir. « Tu tiens vraiment à ce que je te parle de Phoenix et de mon travail après ce que tu viens de m'avouer ? Je ne pense pas qu'on devrait le faire. Il faut que tu prennes vite une décision car l'avortement ne se décide pas au dernier moment. » Je ne voulais pas jouer les moralisatrices, mais c'était plus fort que moi et je ne voulais que le bien de ma meilleure amie.